Il n’est pas nécessaire d’avoir défini un projet dans toutes ses caractéristiques pour procéder à une expropriation. Tel est le cas lorsque l’expropriant souhaite constituer une réserve foncière.
1°) Le fondement de l’expropriation pour constituer une réserve foncière
L’article L. 221-1 du Code de l’urbanisme autorise certaines personnes publiques ainsi que les concessionnaires d’aménagement et les sociétés publiques locales d’aménagement, à acquérir par voie d’expropriation des terrains pour constituer des réserves foncières en vue de la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du même code.
L’article L. 300-1 définit une liste, d’ailleurs assez diversifiée, d’objets pouvant constituer des actions et d’opérations d’aménagement telles que notamment : un projet urbain, une politique locale de l'habitat, la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques et la réalisation des équipements collectifs.
Mais la création d’une réserve foncière est généralement envisagée justement dans le cas où l’expropriant n’est pas en capacité de réaliser immédiatement une telle action ou opération, notamment lorsque le programme n’est pas finalisé.
La question se pose donc de savoir comment justifier dans ce cas, lors de la procédure de déclaration d'utilité publique, de l’existence d’une action ou d’une opération d’aménagement.
Dans l’affaire commentée ici, la Cour administrative d’appel de Toulouse, rappelle les deux conditions issues de la jurisprudence du Conseil d’Etat (21 mai 2014, req. n°354804). Il faut :
justifier, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date,
faire apparaître la nature du projet envisagé dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique.
Le raisonnement est proche de celui qui est employé pour l’examen de la légalité des décisions de préemption (CE, 7 mars 2008, Commune de Meung-sur-Loire, req. n° 288371).
Au cas d’espèce, à partir de l’examen du PLU, de décisions antérieures et d’un plan, la Cour a retenu qu’il existait un projet consistant en « un ensemble d'équipements publics et d'habitats, dont 30 % de logements sociaux et intermédiaires, dans un futur quartier écologique ».
Pour caractériser la nécessité de la réserve foncière, la Cour observe en particulier que les différents intervenants n’étaient pas parvenus à maîtriser le foncier dans le secteur. Elle tient compte également de l'importance et de la complexité de l'opération.
2°) L’appréciation de l’utilité publique dans le cas d’une expropriation visant à créer une réserve foncière
Comme pour toute expropriation, l’autorité expropriante doit encore justifier de l’utilité publique de l’opération.
Au cas d’espèce, il a été tenu compte :
de la pression démographique de la commune ;
du déficit de logements sociaux, associés à la réalisation d'équipements publics et au développement d'activités nécessitées par ce nouveau foyer de population, tout en préservant l'environnement paysager de cet espace.
La Cour prend soin de préciser que l’utilité publique est appréciée seulement au regard de l’opération elle-même et non de la réserve foncière, qui n’est qu’un moyen d’y parvenir.
C’est la raison pour laquelle le recours formé contre la déclaration d’utilité publique en vue de la constitution de cette réserve, a été rejeté.
Réf. : CAA Toulouse, 6 février 2024, req. n° 21TL02947
Comments