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NOUVELLES PRECISIONS RELATIVES A LA SUSPENSION DU DELAI D’EXERCICE DU DROIT DE PREEMPTION URBAIN


Par une décision en date du 29 mai 2024 (req. n°489337), mentionnée aux Tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a tranché la question inédite de la computation du délai d’exercice du droit de préemption urbain (ci-après DPU) lorsque l’autorité préemptrice a sollicité à la fois une visite du bien et la transmission de documents.

 

Le délai de deux mois pour exercer le DPU est une garantie pour les administrés. Les demandes formulées par l’autorité administrative qui permettent de suspendre le délai de deux mois, sont donc encadrées ().

 

Le Conseil d’Etat vient néanmoins de donner une interprétation favorable à l’administration des conditions de reprise de ce délai, lorsqu’elle a formulé plusieurs catégories de demandes ().

 

1°) Les cas de suspension du délai d’exercice du DPU et leur encadrement

 

Il ressort de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme, que le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner (ci-après DIA), vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption.

 

Traditionnellement, le Conseil d’Etat interprète de façon stricte le respect de ce délai par l’administration. Il considère ainsi qu’il ne s’agit pas d’un délai franc (CE, 16 juin 1993, Commune d'Etampes, req. n°135411) et exige que la décision de préemption soit notifiée non seulement au vendeur, mais également au préfet dans le délai de deux mois (CE, 15 mai 2002, Ville de Paris, req. n°230015).

 

Toutefois, l’article 149 de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové a introduit à l’article L. 213-2 précité, deux hypothèses de suspension du délai :

 

  • La première est celle dans laquelle le titulaire du droit de préemption demandes des pièces complémentaires.  

  • La seconde est celle dans laquelle la collectivité demande à visiter le bien qui a donné lieu à une DIA.

 

Le délai reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption.

 

Dans tous les cas, si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision.

 

La question particulière posée dans l’affaire commentée ici, consistait à savoir quel était le point de départ de la reprise du délai, lorsque l’administration a formulé à la fois une demande de visite et sollicité des pièces.

 

Cette configuration étant en pratique très courante, le point traité par le Conseil d’Etat avait une importance notable.

 

2°) La reprise du délai de préemption lorsque l’administration sollicite une visite et la remise de documents complémentaires


Dans l’affaire commentée ici, la société qui contestait la décision de préemption soutenait que la mise en œuvre de la visite avait eu pour effet de faire repartir le délai de deux mois, bien que la demande de pièce n’ait pas été satisfaite.

 

Le Conseil d’Etat ne suit pas cet argument et affirme que la reprise du délai reprend :

 

  • soit à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption,

  • soit du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption,

  • soit du plus tardif de ces événements en cas de demande à la fois de visite et de communication de documents.

La suspension va donc commencer à la première demande formulée par l’autorité préemptrice et s’étendre jusqu’au dernier événement susceptible de mettre fin à la suspension.

 

La lecture des conclusions du Rapporteur public, M. Thomas JANICOT, sous la décision du Conseil d’Etat du 29 mai 2024 (req. n°489337), permet de mieux comprendre les raisons pour lesquelles cette solution a été retenue par le Conseil d’Etat.

 

Il s’agit de permettre au titulaire du droit de préemption, conformément à l’intention du législateur, d’être correctement éclairé sur les caractéristiques du bien et d’éviter que l’administration, pressée par le temps, ne découvre, selon les termes du Rapporteur public, « un vice caché ».

 

Le Rapporteur public insiste tout particulièrement sur l’importance des documents susceptibles d’être sollicités, dont la liste est donnée à l’article R. 213-7 du code de l’urbanisme. Ceux-ci touchent à la situation juridique de l’immeuble, sa consistance et d’autres considérations telles que la pollution, la présence de plomb ou de termites, ou encore l’existence de risques naturels dans la zone. Sur ce dernier point toutefois, une nuance peut être apportée car il raisonnable de penser que l’autorité administrative est informée des risques naturels, sans avoir besoin de solliciter un document.

 

Le Rapporteur public souligne aussi qu’il est opportun d’éviter que le vendeur ne soit incité à résister aux demandes de documents dès lors qu’une demande de visite a été formulée.

 

C’est donc l’interprétation la plus favorable à l’administration qui a été retenue.

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