Il résulte du décret n°2019-1333 en date du 11 décembre 2019 que l’expropriation fait désormais partie de la liste des matières pour lesquelles la représentation par un avocat est obligatoire, aussi bien en première instance qu’en appel.
Par un arrêt du 7 mai 2024, la Cour d’appel de Poitier a tiré les conséquences des dispositions relatives à l’information des expropriés sur ce point, au stade de la saisine du juge de l’expropriation.
1°) Les obligations formelles qui découlent pour l’expropriant de la représentation obligatoire
La fixation des indemnités par le juge de l’expropriation impose en premier lieu pour l’expropriant de présenter une offre aux expropriés conformément aux articles L. 311-4 et R. 311-5 du Code de l’expropriation. Ce n’est qu’à l’issue du délai d’un mois après la notification des offres et à défaut d’accord entre les parties que le juge de l’expropriation peut être saisi.
L’article R. 311-5 précise que les offres doivent reproduire en caractères apparents l’article R. 311-9.
L’article R. 311-9 précise : « Les parties sont tenues de constituer avocat. L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration ».
L’article R. 311-6 indique que l’expropriant qui dispose des renseignements nécessaires, peut notifier directement son mémoire aux expropriés. La saisine du juge de l’expropriation intervient alors à l’issue du délai d’un mois après la notification de ce mémoire.
Ces dispositions n’indiquent pas de manière claire les dispositions à faire figurer dans le mémoire de saisine en ce qui concerne la représentation obligatoire. Mais elles sont complétées par l’article R. 211-6 du même Code selon lesquelles : « Les dispositions du livre Ier du code de procédure civile s'appliquent devant les juridictions de l'expropriation sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent code ».
La Cour d’appel de Poitier fait donc application des dispositions suivantes :
L'article 56 du code de procédure civile, qui prévoit que l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes de commissaire de justice et celles énoncées à l'article 54, l'indication des modalités de comparution devant la juridiction.
L'article 665-1 du code de procédure civile, qui édicte que lorsqu'elle est effectuée à la diligence du greffe, la notification au défendeur d'un acte introductif d'instance comprend, de manière très apparente, l'indication que faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et, le cas échéant, la date de l'audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.
Selon la Cour : « Ces dispositions sont applicables en matière de contentieux de l'expropriation, où l'acte introductif qui saisit la juridiction de l'expropriation est la requête de l'expropriante accompagnée du mémoire contenant son offre d'indemnisation, et où c'est le greffe de la juridiction qui convoque les parties à l'audience ».
Dès lors que l’expropriant n’avait pas respecté ces dispositions, il restait à la Cour à en tirer toutes les conséquences.
2°) Les conséquences du défait d’information des expropriés quant à la représentation obligatoire
L'absence des mentions requises constitue un vice de forme.
Le raisonnement employé par la Cour d’appel quant aux conséquences à tirer de ce vice est fondé sur deux dispositions :
L'article 114 du code de procédure civile, selon lequel aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle d'ordre public.
L'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont il résulte que l'accès effectif au juge suppose une information claire sur les conséquences de l'absence de comparution des parties à l'audience (cf. Cass. 2° Civ. 11.07.2013 P n°12-22264).
Le grief causé à l’exproprié par l'absence d'indication des modalités de comparution devant la juridiction de l'expropriation et par l'absence d'indication que faute pour lui de comparaître, il s'exposait à ce qu'un jugement fût rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire, réside dans ce qu'il n'a pas été informé de la façon dont il lui fallait procéder pour fournir ses éléments à la juridiction de l'expropriation, dont la décision entérine l'offre de l'État.
A défaut de comparution, l’exproprié n’avait pu faire valoir aucun moyen défense.
C’est la raison pour laquelle la Cour d’appel a annulé l'acte introductif d'instance et le jugement. L’effet dévolutif ne pouvait pas jouer : il fallait donc que l’expropriant reprenne la procédure depuis le début.
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