Une décision de la Cour de cassation du 2 mai 2024 apporte des précisions sur la manière de déterminer la rémunération de l’agent immobilier en cas de mise en œuvre du droit de préemption urbain.
1°) Le titulaire du droit de préemption doit prendre en charge la rémunération de l'intermédiaire
Le principe énoncé par la Cour de cassation est formulé de la manière suivante : " lorsqu'il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption, au profit duquel la vente a été effectivement conclue, est tenu de prendre en charge la rémunération de l'intermédiaire incombant à l'acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l'engagement des parties et dans la déclaration d'intention d'aliéner " (Cass., 3e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n°19-25.226, publié).
Pour fonder ce principe, la Cour de cassation s’est fondée sur trois textes :
L’article 1134 du Code civil (désormais article 1103) selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
L’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, selon lequel la déclaration d’intention d’aliéner (ci-après DIA) doit comporter l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ;
L’article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dont il ressort que la rémunération de l’agent immobilier est obligatoirement fixée par un acte écrit.
Dans la grande majorité des cas, l’application de ce régime ne pose aucun problème.
Il n’en va autrement que dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, les modalités contractuellement prévues par les parties à la vente initiale, sont déjouées par la fixation judiciaire du prix du bien.
2°) La détermination de la rémunération lorsque les dispositions du mandat sont déjouées par l’intervention du juge de l’expropriation
Au cas d’espèce, le mandat qui avait été conclu avec le vendeur prévoyait une rémunération égale à 5 % du prix de vente. Ce mécanisme avait été rappelé dans une note annexée à la DIA.
La DIA mentionnait quant à elle un montant nominal calculé au regard du prix de vente initialement convenu, avant la décision de préemption, pour un montant de 603 000 euros TTC, à la charge de l'acquéreur.
Cependant, en raison du désaccord entre le vendeur et l’autorité préemptrice quant au prix, il avait fallu demander au juge de l’expropriation de fixer le prix. Or, le prix fixé par le juge de l’expropriation en première instance comme en appel était largement inférieur au prix de vente. Par conséquent, l’application du mandat aurait dû entrainer une diminution de la rémunération de l’agent immobilier.
Telle n’est pas la solution retenue par le juge du fond comme par la Cour de cassation qui juge :
« C'est par une interprétation souveraine, rendue nécessaire par l'ambiguïté née de la discordance entre, d'une part, la déclaration d'intention d'aliéner mentionnant une commission d'un montant nominal de 603 000 euros toutes taxes comprises, d'autre part, les termes du mandat donné à l'agent immobilier, rappelé dans la note annexée à la déclaration d'intention d'aliéner, fixant la commission à 5 % du prix de cession hors taxe, que la cour d'appel a retenu que la commission due par l'EPFIF à l'agent immobilier s'élevait à 502 500 euros hors taxe ».
Ce sont donc les dispositions de la DIA qui ont prévalu sur les termes du mandat conclu avec l’agent immobilier tels qu’ils auraient dû être appliqués en tenant compte du prix fixé par le juge de l’expropriation.
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