Selon un arrêt du 12 mars 2024 de la Cour d’appel de Versailles, la pollution d’un terrain affecte le montant de l’indemnité d’expropriation, alors même que le propriétaire n’est pas responsable de l’état du sol et du sous-sol.
1°) La méthode d'évaluation des terrains pollués
Il ressort d’une jurisprudence désormais bien établie, que la pollution d’un terrain affecte sa valeur vénale (par exemple : Cass. Civ. 3, 29 janvier 2003, n°02-70.004).
Tout en affirmant de manière constante ce principe, la Cour de cassation a apporté quelques nuances en indiquant notamment, que l’incidence de la pollution ne devait pas être déterminée au regard du projet de l’expropriant, mais en l’état actuel du bien, quel que soit le projet d’aménagement ou de construction (Cass. Civ. 3., 30 janvier 2020, n°19-10.301).
Ce raisonnement est classique, car en droit de l’expropriation, il n’est pas tenu compte de l’état du futur du bien que ce soit pour améliorer son évaluation ou au contraire, pour la dégrader (article L. 322-1 du Code de l’expropriation). Cela a même été jugé conforme à la Constitution (Décision n° 2021-915/916 QPC du 11 juin 2021).
L’arrêt commenté ici illustre cette approche en procédant non pas une évaluation du coût de la dépollution en fonction de la destination future du terrain, mais en procédant à une comparaison avec des références portant sur des terrains présentant des caractéristiques similaires.
Cependant, il n’était pas établi jusqu’à présent que ce raisonnement puisse conduire à diminuer le montant de l’indemnité alors même que l’exproprié n’a joué aucun rôle dans la pollution du terrain et n’avait aucune obligation de remise en état.
2°) Le caractère inévitable de la diminution de la valeur du terrain
Dans l’affaire commentée il n’était nullement reproché aux expropriés d’avoir provoqué la pollution ou d’avoir manqué à une quelconque obligation en la matière. Les expropriés alléguaient même que l’auteur de la pollution avait accepté de prendre en charge la remise en état du terrain.
Mais cela n’a eu aucune incidence car la Cour d’appel a jugé que « c'est en vain que les appelants font valoir qu'ils ne sont pas responsables de cette situation ».
La solution est conforme aux principes exposés plus haut. Mais elle n’en est pas moins sévère à l’égard des expropriés qui se seraient peut-être organisés différemment s’ils avaient pu vendre librement leur terrain. Surtout, elle rend inévitable une diminution drastique de la valeur aussitôt qu’une pollution est découverte.
La solution est d’autant plus stricte, qu’aucune disposition du code de l’expropriation ne permet d’attraire dans la cause le tiers responsable de la pollution.
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